violences sexuelles livre éditions dunod
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LA MINUTE DE FLO / PAR FLORENCE BRAUD. ASH N° 3192 du 15 JANVIER 2021

LA MINUTE DE FLO 

PAR FLORENCE BRAUD

MONITRICE-EDUCATRICE ET AIDE-SOIGNANTE

 

 

« Dans  la famille Inceste, je voudrais … »

Le grand-père.  Homme  respectable  et voisin  serviable.  Insoupçonnable. Mais aussi  prédateur et coupable, qui entre sur la pointe  des pieds dans la chambre des enfants, un doigt sur la bouche et un autre sur la braguette, qui  intime  de  se taire, il ne faut rien dire, si tu parles ta maman sera malheureuse, tu ne veux quand même pas lui faire de la peine!

Dans la famille Inceste, je voudrais …

La grand-mère. Elle n’a rien vu,  rien entendu. Elle dormait. Alcool et somnifères, chaque soir le même cocktail, le comprimé du sommeil avalé avec la gorgée de l’oubli, et chaque matin  le brouillard,  la journée qui s’étire à l’infini  dans  I’ennui,  I’ennui  avant  la  nuit.  L’homme qu’elle a épousé a tellement changé. Ils se sont follement aimés, et puis elle est devenue  mère, il est devenu  père, et tout a disparu. Elle n’est plus rien depuis  longtemps, juste une présence un peu absente. Elle ne voit plus que sa vie rêvée ratée, son amour  oublié dans  la  maternité et ses espoirs perdus, disparus. Et quand ça éclate elle n’y croit pas, c’est impossible, elles mentent, la fille et sa fille ; d’ailleurs est-on bien sûr de ce que raconte la petite? Elle a forcément inventé, imaginé, voire fantasmé, pourquoi pas? Certaines petites filles sont perverses vous savez, la séduction, l’Œdipe, la jalousie qui sait?

Dans la famille Inceste, je voudrais …

La mère.  La mère, première  victime,  il y a longtemps, si longtemps. La mère, quand elle était enfant, dans sa petite chemise de nuit, chemise retroussée, culotte  sur  les chevilles, tais-toi, il ne faut pas  réveiller maman, tais-toi, tous les papas  font ça, tais-toi, mais tais-toi donc ! Alors elle se tait,  la petite, elle se tait et elle subit,  elle  grandit  et elle  oublie. Parce que ce souvenir-là, cette  chose  qu’il  lui a faite,  c’est trop  douloureux,  trop  ignoble.  Amnésie  traumatique.   Les années ont passé,  une vie presque  normale,  mais  il y a quelque  chose,  un je-ne-sais-quoi d’enfoui, de tapi,  qui  ne demande  qu’à  surgir.  C’est  comme  de  la boue  qui salit  tout,  et quand  ça jaillit,   c’est  un torrent  qui emporte  tout. Alors  les mots  de sa fille,  elle  y croit,  elle  le sait, parce  que  c’est vrai,  parce  que ça a déjà  existé,  parce qu’elle aussi  il l’a violée.

Dans la famille Inceste, je voudrais …

Le père.  Dévasté,  sidéré.  Comment  croire  que  le  beau-père,  le père,  le grand-père? Comment imaginer? Comment a-t-il osé?  Comment  a-t-il  pu  les toucher?  li voudrait  tout effacer, tout oublier. Mais avant, il voudrait le tuer.

Dans  la famille Inceste,  je voudrais …

La fille. La petite, si charmante, si confiante, qui aime tellement son papi. Et pourtant. Sa grande main sur sa petite bouche, son murmure menaçant cajolant. Tais-toi, il ne faut pas réveiller  mamie. Tais-toi,  tous les papis font ça. Tais-toi, mais tais-toi  donc !

Dans la famille Inceste, je voudrais …

Le fils. Tapi au fond de son  lit, surtout ne pas faire  de  bruit.  Le fils qui voit,  qui entend, qui comprend, et qui tait ce que fait son papi, la nuit, parce qu’il a trop peur de lui.

Dans la famille Inceste, je voudrais …

Tous  les autres. Les  présents, les absents  et les indifférents, qui savaient, ou s’en doutaient, ou se taisaient. Je  les voudrais  tous  au procès.  Pour  la mère, pour la fille, et pour les autres, qui sait?

 

ACTUALITES SOCIALES HEBDOMADAIRES – Nº3192 – 15 JANVIER 2021 

 

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https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/violences-sexuelles-en-finir-avec-impunite